Illustrateur et illustratrice : comment fixer son tarif ? · En tant qu’illustrateur et illustratrice, fixer son tarif est compliqué. Prix psychologique, droits d’auteur, syndrôme de l’imposteur, charges et TVA : les concepts sont nombreux et les hésitations, plurielles. En tant qu’annuaire dédié aux illustrateurs et illustratrices, il nous apparaissait essentiel de tacler l’ensemble de ces points et de te proposer une méthode pour fixer ton tarif en tant qu’illustrateur ou illustratrice, valable pour les commandes et les créations.
Sommaire
Avant de commencer : les concepts à envisager pour fixer son tarif
Fixer le tarif d’une commande en tant qu’illustrateur, illustratrice
Fixer le tarif d’une création en tant qu’illustrateur, illustratrice
L’essentiel en trois points
- Il y a deux situations très différentes dans lesquelles un(e) illustrateur(trice) doit fixer ses prix : une commande et une création. Ce qui diffère ici sont la notion de temps de travail, particulièrement importante dans la commande, et la notion des droits d’auteur.
- Pour fixer son tarif lors d’une commande, il est absolument essentiel de connaître son taux horaire (et journalier). C’est à partir de lui que se calcule le tarif d’une commande.
- Pour fixer son tarif pour ses créations, il est important de réfléchir en termes de distribution (chez qui vas-tu vendre) et de tarif de gros de façon à être rentable quelle que soit la situation.
Disclaimer : cet article a été pensé pour les artistes évoluant et déclarant en France. Les parties concernant les taxes et les statuts d’entreprise se réfèrent donc à la situation fiscale française. Tu peux tout de même en retirer une méthode (à adapter) si tu ne déclares pas en France.
Avant de commencer : les concepts à envisager pour fixer son tarif !
Avant d’aller plus loin sur les leviers qui sont actionnés au moment de fixer son tarif, commençons par définir ensemble des points essentiels à comprendre au moment de fixer son tarif–en tant qu’illustrateur·rice et de façon générale.
Forfait VS réversions de droits d’auteur·rice
En tant qu’illustrateur·rice, il y a généralement deux façons de composer son prix. Le forfait est une somme d’argent fixe demandée pour un projet. Les droits d’auteur sont des frais complémentaires liés à l’utilisation de l’oeuvre que le ou la commanditaire va en faire. Ils peuvent être reversés en une fois ou en pourcentage lorsque l’oeuvre est revendue. Généralement, le tarif d’une illustration est arrangée entre ces deux concepts.
Commande VS création personnelle
La construction de ton prix ne se fera pas de la même manière si tu réponds à une commande (couverture…) ou si tu vends une création personnelle (carte postale, affiche…). Nous revenons sur ce concept dans la suite de cet article car les critères pour fixer ces deux prix sont très différents.
Prix psychologique
Le prix psychologique est un concept marketing. C’est le prix que ta clientèle cible serait prête à payer pour acquérir ton oeuvre. Généralement, ce prix psychologique se construit à partir des prix des concurrent(e)s, des précédentes ventes que tu as faites, de la rareté de tes créations et par extension, de ta notoriété.
Syndrome de l’imposteur
Nombreux(ses) sont les artistes qui souffrent du syndrome de l’imposteur, un blocage qui les empêchent d’estimer leur travail à leur juste valeur et les pousse à faire tendre leurs prix vers le bas. Traduisons simplement : il y a de fortes chances pour que tes tarifs soient trop faibles.
Charges et taxes
Selon le statut de ton activité (artiste-auteur(rice), société ou encore redevable de la TVA) tu n’as pas les mêmes charges et ces dernières doivent, forcément, être répercutées, d’une manière ou d’une autre, sur tes tarifs.
Fixer le tarif d’une commande en tant qu’illustrateur, illustratrice
Lorsque tu fixes le tarif pour une commande en tant qu’illustrateur(rice), la donnée la plus importante à envisager est le temps que tu vas y passer. C’est d’elle dont va découler le plus de changements et d’infos et c’est ce qui distingue le fait de fixer un tarif pour une commande ou de fixer un tarif pour une création, unique ou non.
Les critères pour fixer le tarif d’une commande
#1 Type de commande
Le premier point à prendre en considération est le type de commande. Cela est évident : on ne facture pas de la même façon une illustration pour une carte de voeux qu’un batch d’illustrations pour un livre d’histoires pour enfants !
#2 Temps passé
Le deuxième point à envisager est le temps que tu vas mettre pour traiter cette commande. C’est essentiel car une commande correspond à payer ton temps de travail et de création. Il est donc important de savoir combien vaut une heure et une journée de ton travail !
Autres points à envisager :
- Qui est le/la client·e : du profil de ta clientèle dépend sa complexité. S’il y aura toujours une part d’inconnu, tu peux envisager dès la prise de contact le temps que va te prendre un(e) client(e). Un(e) client(e) très exigent(e) avant même la signature du contrat le sera forcément une fois la mission démarrée. De même, un(e) client(e) qui évolue dans le cadre d’une entreprise avec plusieurs niveaux de validation sera forcément plus long(ue) à satisfaire–non qu’il/elle soit difficile mais cela pourra être long d’avoir une validation.
- Nombre de modifications : pour encadrer ce temps et éviter que la situation tourne à ton désavantage, il est possible de fixer, dès le début de la négociation, un nombre de modifications que tu prendras en charge dans le budget défini : un nombre de modification sur le tracé, un nombre de modification sur la couleur, un nombre de modifications au total… à toi de voir !
- Rareté, notoriété : ton taux horaire dépend de tes besoins mais aussi de ta “rareté” sur le marché. Si tu es déjà un(e) illustrateur(rice) reconnu(e), ton temps de travail sur des commandes peut se fait rare… il est donc normal de le vendre plus cher. Profites-en ! Si, au contraire, ta notoriété est encore réduite, ne brade pas ton travail pour autant : conserve un tarif horaire et journalier cohérent avec tes besoins et ton expérience.
#3 Valeur générée par ton illustration
Le troisième critère qui doit t’aider à fixer ton prix est la valeur que génère ton illustration. Ainsi, l’illustration pour un marque-page qui va être proposé en goodies lors d’un salon est généralement vendue moins chère qu’une illustration qui va être revendue sous la forme d’une affiche A3. Pense à demander l’usage qui va être fait de ton illustration, ne serait-ce que pour pouvoir l’encadrer.
#4 Concurrence
Le quatrième point qui entre en ligne de compte au moment de fixer ton prix sont les tarifs proposés par vos concurrent(e)s. La difficulté pour une personne évoluant dans l’art et plus spécifiquement l’illustration est qu’il n’y a pas de tarif fixe ni même de barème : on retrouve une très grande disparité dans les tarifs proposés parce que l’on retrouve une très grande disparité dans leurs situations personnelles et professionnelles. Ainsi, pour une couverture de livre sur-mesure, on va trouver des tarifs allant facilement de 70 à 700€ HT.
Ma recommandation ? Centre-toi sur toi, sur tes besoins et vérifie simplement que tu es dans la norme de ce qui est proposé. Ne vise ni trop haut, ni trop bas, même si tu débutes et surtout si tu veux en faire ton métier.
#5 Forfait ou réversions
Devrais-tu opter pour une rémunération par forfait (à la pièce) ou par réversion de droits d’auteur lors des ventes ? Les deux sont possibles. Cependant les deux peuvent entraîner des freins : le forfait peut paraître cher au départ (”mais je suis un jeune auteur !”) tandis qu’il peut être difficile de suivre le décompte des droits d’auteur en fonction des ventes.
Les droits d’auteur peuvent représenter jusqu’à 10% du montant d’une commande. Ils peuvent être négociés sur l’ensemble des supports qui diffusent ton illustration. Envisage dès le début de la collaboration de noter les supports sur lesquels ton oeuvre peut (ou ne peut pas) être utilisée ainsi que les coûts liés à cette diffusion, le cas échéant.
Ma recommandation ? Propose toujours ce qui est le plus à même de t’arranger et négocie si la personne face à toi envisage une autre forme de rémunération. Par exemple, un(e) jeune auteur(rice) qui se lance dans l’autoédition a peu de chances de voir son roman vendu à des milliers d’exemplaires. Dans ce cas, récupérer une commission de droits d’auteur sur les ventes te rémunérer est peu intéressant. Demander un forfait fixe pour payer la couverture de son livre est plus pertinent. Négocie de façon à trouver un arrangement qui vous convient à tou(te)s les deux en gardant en tête qu’il ne sera pas évident de suivre avec exactitude les ventes de livres ou de goodies associés à tes illustrations sur le long terme.
#6 Charges et taxes
Dernier point à prendre en compte : les charges (URSSAF) et les taxes (TVA, impôts) auxquelles tu es soumis(e) selon ton statut. Ces points vont forcément impacter ton tarif : ne les néglige pas !
Ma recommandation : prends en compte les charges et les taxes de ton activité dès le calcul de ton taux horaire et journalier. Cela t’évitera bien des déconvenues !
Ok et maintenant : comment fixer le tarif d’une commande en tant qu’illustrateur ou illustratrice ?
#1 Commence par évaluer tes taux horaire et journalier
Combien dois-tu être payé(e) à l’heure pour vivre de ton activité ? Pour ce calcul, tu as besoin de deux éléments : ton nombre d’heures dispos et le salaire que tu souhaites sortir de cette activité. Divise ce salaire par ce nombre d’heures et te voilà avec une petite idée de ton taux horaire ! Ajoutes-y les taxes et la TVA, le cas échéant, pour avoir un taux horaire clair. Le taux journalier quant à lui correspond, environ, à ton taux horaire multiplié par 7.
🆙 Il s’agit là d’un outil non personnalisé à remettre à ta sauce en fonction de ton expérience, de ta rapidité de travail et de tes besoins financiers. Adapte-le !
#2 Détermine la durée nécessaire pour la commande
Détermine le temps nécessaire pour réaliser la commande.
Plus tu es expérimenté, plus vous saurez déterminer et anticiper avec précision et impartialité le temps que tu vas mettre sur une commande. Si tu débutes, rappelle-toi d’une chose : cela prendra toujours plus de temps que tu ne le penses !
Ma recommandation : Mets des gardes-fou ! Fixe dans ton devis un nombre limite de modifications autorisées. Cela te permettra de pouvoir dire non à ton/ta client(e) ou de lui proposer un devis complémentaire en cas d’abus.
#3 Rationalise avec le prix psychologique, le prix de la concurrence et le budget client(e)
Une fois ton calcul fait, il ne te reste plus qu’à le soumettre à la comparaison avec le prix que proposeraient tes concurrent(e)s et avec le budget qu’envisageait ton/ta client(e) (si tu le connais). Cela t’aidera à proposer quelque chose le plus précis possible.
🆙 Les prix de te concurrent(e)s et le budget de ton/ta client(e) doit rester un point de repère mais ne doit pas complètement remettre en cause tes calculs !
Fixer le tarif d’une création en tant qu’illustrateur, illustratrice
À la différence d’une commande dont le tarif dépend pour beaucoup du temps que tu vas y passer, le prix et la valeur d’une création, unique ou non, dépend plutôt du tarif que ton/ta client(e) est capable d’y mettre.
Les critères pour fixer le tarif d’une création
#1 Type de support
Le prix de ton illustration dépend du support sur lequel tu la vends. Impossible de vendre au même prix une carte postale et une affiche A3 !
Dans ce cas, deux éléments sont à prendre en compte :
- Coût de la matière première : coût du papier, coût de l’encre, coût de l’impression…
- Prix psychologique : lae client(e) final(e) ne mettra pas plus que 6€ dans une carte postale (même imprimée sur du beau papier) tandis qu’elle pourra être capable de mettre jusqu’à 50€ dans une affiche A3 selon la qualité de l’impression et du papier. Ce sont des éléments à prendre en compte. N’hésite pas à te rendre dans des boutiques et librairies où des artistes exposent. Cela te permettra de te faire une idée des tarifs ! Tu peux même demander aux personnes sur place les prix qui vendent le mieux !
#2 Temps passé
Contrairement à la commande, le temps passé pour réaliser ton illustration ne compte finalement qu’assez peu pour fixer le tarif d’une création. Sauf s’il s’agit d’une pièce que tu vends de manière unique ou que tu refais à la main (sans réimpression).
#3 Rareté
Une illustration est une forme d’oeuvre d’art. Si tu décides de la diffuser à l’unité ou en petite série, tu peux forcément la vendre plus cher que si tu décides de l’imprimer et de la reproduire en plus grande série–rien de très surprenant, tu en conviendras !
À nouveau, n’hésite pas à regarder ce que font les autres professionnel(le)s sur ce terrain-là (impressions, petites séries…). La notoriété d’un(e) artiste compte forcément dans ses tarifs donc vois ce qu’il te convient de faire !
#4 Coût de distribution
La distribution a un coût non négligeable qu’il te faut forcément prendre en considération au moment de vendre tes produits. Si tu es dans un concept-store ou une boutique qui te demande 30% de commission, il te faudra absorber cette somme dans ton tarif ! De même, si une boutique veut acquérir tes oeuvres avec des prix de gros pour te revendre, il te faudra être rentable malgré un prix de vente réduit ! En bref, le coût de la distribution doit être anticipé.
🆙 Tes tarifs n’ont pas à être immuables ! Tu peux totalement les modifier en cours d’exercice, à mesure que tu trouves ton équilibre financier. Évite simplement de multiplier tes hausses de prix et n’hésite pas à être transparent(e) sur le sujet avec ton audience.
#5 Charges et taxes
Dernier point et non des moindres ! Pense aux charges et taxes au moment de fixer tes prix pour tes créations.
Ma recommandation : Calcule tes prix à partir de ton taux horaire chargé et ajoute la TVA même si ton entreprise n’est pas sujette à cette dernière. Cela te permettra de sauter le pas plus facilement !
Ok et maintenant : comment fixer le tarif d’une création en tant qu’illustrateur ou illustratrice ?
#1 Cherche un (ou plusieurs) fournisseurs
Selon les produits que tu envisages de développer (cartes postales, carnets, affiches A4, A3…), commence par rechercher tes fournisseurs (papier, cadre, impression…). Cela te permettra d’avoir une idée assez claire des coûts de production de tes produits.
#2 Établis deux grilles tarifaires : petites séries et reprographies
Tes client(e)s sont prêt(e)s à envisager que les petites séries fait main sont plus chères que les réimpressions. Ce, pour quel que produit que ce soit. Aussi, envisager dès le départ deux tarifs pour chacune de tes créations (fait main et impression) est une bonne idée. Pour le fait main, il te faudra compter le temps de travail. Pour l’impression, il y aura les coûts d’impression à envisager.
#3 Réfléchis aux coûts de distribution
La distribution est essentielle au moment de créer des produits. Comment vas-tu vendre ? Avec ton site, via des librairies, lors de salons, dans des boutiques ? Selon le mode de distribution, les coûts seront (très) différents.
Ma recommandation : calcule un coût de gros qui te permette d’être rentable et multiplie le par 2,5 pour avoir un coût de vente au détail. Ce dernier t’assurera d’être toujours rentable quel que soit ton mode de distribution. 2,5 c’est le coefficient de marge le plus fréquemment demandé dans les boutiques !
#4 Ajoute la TVA
Fais ton calcul de prix en partant de ton taux horaire chargé. Ainsi, il ne te reste plus qu’à ajouter les 20% de TVA.
Ma recommandation : ajouter les 20% de TVA même si tu n’y es pas sujet(te). Cela te permettra de faire la bascule sans souci le jour où tu devriendras redevable de la TVA.
Calculer son tarif en tant qu’illustrateur ou illustratrice est un vrai casse-tête ! Ce, notamment parce qu’il n’existe pas de barème et aucune unicité dans les prix. Les tarifs peuvent varier du simple ou centuple, selon les professionnel(le)s ! Il est cependant essentiel de réfléchir à tes prix en fonction de tes besoins, de ta situation et de ce que tu proposes (commande ou création). J’espère que cet article t’aura aidé à te positionner en tant qu’illustrateur ou illustratrice sur tes prix.